Éducation populaire et citoyenneté

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Éducation populaire et citoyenneté

L’éducation populaire, pour construire le citoyen (1) est un petit livre qui s’inscrit dans la tradition du personnalisme, courant inspiré du christianisme social radical qui n’osa jamais choisir le chemin de l’anarchisme. Son inspirateur le philosophe Emmanuel Mounier (19051950) produit malgré tout d’intéressantes analyses comparatives dans un ouvrage de 1966 paru au Seuil, Communisme, anarchie et personnalisme dans lequel les anarchistes ne se retrouvèrent pas vraiment et demeurèrent très critique à l’égard du philosophe. Néanmoins, Mounier affirme dans l’ouvrage que les anarchistes avaient raison quant à la nature du pouvoir.


Pour lui, « Il n’y a pas d’abus du pouvoir, il y a le pouvoir, qui abuse par nature » et que le pouvoir du peuple voire la démocratie populaire « n’est qu’une
cratie [un pouvoir], une tyrannie parmi d’autres, celle du nombre, un absolutisme, celui des majorités, la plus exécrable de toutes ». Le courant personnaliste comme beaucoup d’autres se revendiquent de l’Éducation populaire en tant que « combat pour la libération de l’homme » et de la femme (p.7) et qu’il est « un partage, non une prescription, un dressage » (p.11). Afin de démontrer la richesse de courant et de son inscription dans la recherche d’une émancipation individuelle et collective, plusieurs acteurs de ce secteur ont été convoqués pour illustrer tel ou tel aspect de l’Educ-pop. L’ouvrage traite de nombreuses facettes de cette éducation qui se voulait et se veut encore pour certains : « l’Éducation du peuple, pour le peuple, par le peuple ».


Formule de Condorcet dans laquelle Proudhon se reconnaîtra en forgeant le concept de démopédie. Éducation populaire radicale qui à la suite de ces deux précurseurs refusent de voir le monde divisé en deux classes : « celle des hommes qui raisonnent, et celle des hommes qui croient. Celle des maîtres et celle des esclaves »
(2).

Sans être exhaustif, après une brève histoire de l’éducation populaire un peu réductrice malgré une ouverture intéressante sur sa place dans le monde rural avec en particulier une approche des « Cultivateurs cultivant », l’ouvrage resitue le collectif la Vie nouvelle qui reconnut la lutte des classes en 1949 (p.67). Aujourd’hui, l’association formule des analyses assez radicales et critiques sur le libéralisme et les sociétés qu’il engendre. Face à cela, l’Éducation populaire après un retour critique sur elle-même peut jouer un rôle essentiel dans la conscientisation des acteurs sociaux.


Le livre se termine sur quelques « expériences fécondes »
(p.99) dont les Bourses du travail qui ambitionnaient de créer une culture ouvrière autonome, les foyers ruraux qui « promeuvent la réflexion critique individuelle pour permettre à chacun d’être et d’agir dans le champ social » (p. 120), la formation réciproque aux logiciels libres…

Malgré, la forte influence du personnalisme sur certaines contributions, ce petit livre est facile à lire et peut être une première sensibilisation à l’Éducation populaire d’autant qu’il s’inscrit dans la tradition d’un Dumazedier pour lequel « la culture populaire ne saurait être une culture distribuée. Il faut la vivre ensemble pour la créer ensemble » (p.56). Un regret toutefois, une bibliographie trop sommaire où n’apparaissent ni Geneviève Poujol, ni Franck Lepage…

Le livre est a paru en 2018 et il ne pouvait pas faire état de la trahison de certaines organisations se revendiquant de l’Éducation populaire comme la Ligue de l’enseignement ou encore d’une partie des CEMEA… qui se sont engagées, en faisant fi de leurs valeurs fondatrices, dans l’embrigadement des jeunes dans le cadre du SNU (Service national universel) qui de fait rappelle les sinistres Chantiers de jeunesse mis en place en 1940 par le gouvernement de Vichy qui visaient à « regrouper et [à] reprendre en main l’ensemble des jeunes » (p.50). En bref, un SNU new-look ayant pour but de créer de la cohésion sociale tricolore, de la soumission à l’ordre nouveau à la botte d’une république en marche arrière ou pire encore au pas de l’oie et au service d’un capitalisme indépassable.

  1.  Collectif La vie nouvelle, 2018, L’éducation populaire, pour construire le citoyen, Lyon, chronique sociale.
  2.  Condorcet, 1792, Cinq Mémoires sur l’instruction publique.
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