Brève histoire des Universités Populaires

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Université Populaire

Brève histoire des Universités Populaires[1],

Les Universités Populaires (UP) en France ne sont pas une mode récente liée à l’aura de celle lancée par Michel Onfray à Caen dans le Calvados dans les années 2000, mais nées d’un mouvement qui s’inscrit dans une longue tradition historique et éducationniste.

La première est née en 1899 à Paris, elle s’appelait La coopération des idées. Cette simple dénomination est à elle seule révélatrice du projet, pour ne pas dire du programme des UP. Il s’agissait à la fois d’associer les idées et les hommes d’origines sociales fort différentes, les uns issus du monde ouvrier et les autres de la sphère intellectuelle. Cette rencontre possible entre deux mondes jusque-là étrangers est la résultante de l’Affaire Dreyfus où dans le cadre du soutien à ce dernier une partie du prolétariat radical côtoiera ceux que l’on appelle depuis lors « les intellectuels ».

Cette première université parisienne fut le résultat de l’improbable rencontre de l’autodidacte Georges Deherme (1867-1937) ancien sculpteur sur bois, typographe de culture anarchiste et de Gabriel Séailles (1852-1922), républicain, professeur de philosophie en Sorbonne qui sera l’un des fondateurs de la Ligue des Droits de l’Homme (LDH). Cette initiative où se fréquenteront le bourgeois en jaquette soucieux d’aller au peuple et l’ouvrier en bourgeron[2] curieux de comprendre le monde et son siècle, au-delà du cas Dreyfus, s’inscrit dans une période où l’éducation est au cœur de la réflexion sociale. Dans la même période, les Bourses du Travail qui soutiendront l’effort d’éducation des universités populaires se retrouvaient déjà autour de la phrase emblématique de leur animateur Fernand Pelloutier (1867-1901), Instruire pour révolter.

En effet, pour les syndicalistes révolutionnaires, l’UP complète la Bourse, elles oeuvrent dans la même direction : « que les universités populaires, que les bibliothèques d’éducation libertaire, après avoir fait des individus débarrassés de tous les préjugés…, deviennent des pépinières de militants, d’apôtres qui s’en iront dans toutes les organisations ouvrières[3] ». Même si les tenants du socialisme autoritaire regroupés autour de Jules Guesde et du Parti ouvrier français (POF)  firent un accueil très réservé aux UP, elles furent comme leur nom l’indique réellement populaires et bien reçues dans le monde du travail et par ses organisations.

Pourtant les UP sont le résultat d’une association de circonstances à un moment où il y a, il est vrai, un grand appétit de savoir dans la classe populaire et où des intellectuels progressistes souhaitent s’associer avec elle. Ce sera à la fois la cause de l’immense succès des UP et probablement aussi la cause de leur disparition ou pour le moins de leur raréfaction. En effet, après un moment de convergence, les acteurs des UP divergeront sur leurs objectifs et leurs finalités. Les uns y voient, au-delà des savoirs transmis, un outil de réconciliation des classes ; les autres y voient un levier d’émancipation économique et sociale.

Le développement des UP fut fulgurant, 15 à la fin de 1899, 116 en 1900, 124 en 1901 et 230 au total jusqu’en 1914. Elles compteront environ 50 000 adhérents, quelques dizaines pour les unes et quelquefois un millier comme à L’Emancipation du XVème arrondissement à Paris. Ceux qui les fréquentent sont des hommes et des femmes, parfois en famille, de milieux divers : employés, petits bourgeois, ouvriers, militants… Il s’agit d’un mouvement plutôt urbain qui se développe d’abord à Paris qui en comptera 38 puis en banlieue où elles seront au nombre de 31 et dans les villes industrielles de moyenne importance, 60 UP seront constituées dans des villes de 30 000 habitants. La plupart d’entre elles, 80 %, furent une initiative d’origine ouvrière.

Rapidement, les contradictions internes entre les acteurs et les projets apparaissent d’autant que les intellectuels y prennent une place prépondérante, ils président, ils programment, ils interviennent et animent les débats. Seuls 10 % des conférences seront prononcées par des ouvriers. Au-delà de l’écart entre les attentes des auditeurs avides de sujets touchant à la question sociale et le vocabulaire et les apports du monde savant, une fracture se fait rapidement jour entre les tenants de la République radicale bourgeoise et ceux de la République sociale. En effet, « beaucoup d’ouvriers parisiens…, producteurs soucieux des lois de la production et de leurs conséquences, ont abandonné les Universités populaires. Ils n’y trouvaient pas ce qu’ils étaient venus y chercher[4] ».

Cette fracture politique et pédagogique aura pour conséquence un affaiblissement rapide du mouvement des Université populaires déjà menacé par les difficiles conditions de travail des ouvriers (journée de 12 heures voire davantage), la rareté et l’éloignement quelquefois important des salles de réunions… Ainsi « si grande soit l’envie qu’on puisse avoir de belles et fortes choses, faut-il encore être dispos pour les voir, les entendre et en jouir[5] ». Malgré cet échec relatif, le mouvement des UP favorisera l’émergence d’une sociabilité nouvelle, moins masculine, plus familiale où au-delà des causeries savantes naîtront aussi des bibliothèques, des réflexions sur le logement social, des actions anti-alcooliques, des représentations théâtrales et parfois même des manifestations concrètes de solidarité ouvrière ou non comme des caisses de prévoyance, des consultations médicales, dentaires ou encore juridiques…Malgré la persévérance des derniers « upistes », le coup de grâce au mouvement des universités populaires première époque sera portée par l’immense tuerie de 1914.


[1]  Cette contribution doit beaucoup à L. Mercier

[2]   Tenue traditionnelle des ouvriers parisiens.

[3]   Georges Yvetot in Lucien Mercier L. (1986), Les Universités populaires : 1899-1914. Education populaire et mouvement ouvrier au début du siècle, Paris, Les Editions ouvrières, p. 58.

[4]    Charles Guieysse, in Mercier, op. cit, p. 114.

[5]    Georges Yvetot in Mercier L., op. cit, p.120.

 

L’éducation populaire et les UP avec la loi de 1901 sur les associations.   

  

Au début du XX° siècle, on assiste à une prolifération de mouvements pour une éducation populaire, qui commence avec la socialisation et l’apprentissage de la vie en groupe : le scoutisme à tendance laïque ou catholique, les Mouvements Catholiques de Jeunes (ouvriers, agriculteurs et étudiants) voient fleurir à leurs côtés de nouvelles structures comme les Compagnons de l’Université Nouvelle (1919) qui préconisent une école rénovée et les ciné-clubs, en 1920. Marc Sangnier lance les auberges de jeunesse en 1929. Puis, dès 1931-1933, au sein du syndicalisme, en l’occurence la CGT,  le Centre Confédéral d’Éducation Ouvrière organise des cours oraux et par correspondance, des émissions à la TSF, des conférences pour les adultes. Ce centre se décentralisera au sein des Unions Départementales par les « Collèges du Travail » en 1936.

En 1936, sous le gouvernement du Front populaire, le développement de l’Education Populaire est favorisé grâce à Léo Lagrange. A cette époque, au-delà de sa forme spontanée dans les usines occupées, se développe une autre forme, une autre demande d’éducation populaire d’où la naissance de formes théâtrales et cinématographiques nouvelles autour des frères Prévert, de La belle équipe et du théâtrale populaire que l’après guerre relancera, en autre, avec le TNP et le Festival d’Avignon.

Sous l’occupation allemande des responsables de mouvements de jeunesse se retrouvent et créent en zone « sud » les Compagnons de France qui mettront notamment en place des « Fondations » pour reclasser les jeunes et organiser « l’apprentissage ». Par ailleurs, de jeunes cadres dans un premier temps en lien avec le gouvernement de Vichy dont ils s’éloignent rapidement se regroupent dans un mouvement nommé Uriage pour former des hommes pour les années à venir et des combattants qui pour luttent contre l’occupant. Dans certains camps de prisonniers, des cours, conférences, cercles d’études, entre prisonniers, permettent de partager le savoir, à partir des expériences humaines des uns et des autres, c’est en particulier le cas des résistants communistes ou encore des militants anarchistes de la CNT espagnole déportés. L’Université Populaire de Marly le Roy, est crée en 1942, à l’initiative de la JOC. Y sont organisés des cycles de formation et des stages sur des sujets relatifs à la vie des travailleurs.

Populaire vient du mot peuple et quand on le lie à Université, il est à lire comme un lieu élevé de réflexions pour le peuple et si possible par le peuple. L’Histoire oppose le peuple aux « grands de la terre », le peuple et les aristocrates, le peuple et les bourgeois. Peuple et pas prolétariat. Mais le peuple apparaît avec « classes populaires » qui comprend des ouvriers, des petits employés, des petits paysans puisque marxistes, anarchistes et sciences humaines parlent de « classes, de catégories scio-professionnelles, de couches » ajoutant « populaires ».

Au lendemain de la libération, et après 1945, l’Etat va intervenir si bien qu’aux militants d’éducation populaire entièrement bénévoles s’ajoutera un type nouveau de militants qui acceptent de se consacrer entièrement à la « culture populaire », précurseurs de l’éducation permanente (Travail et Culture, Tourisme et Travail, Francs et Franches Camarades, Peuple et Culture…).

Citons aussi l’Institut de culture ouvrière et les Instituts du travail dont le premier est crée à Strasbourg en 1955, (lors du colloque international sur la formation ouvrière) Aujourd’hui, au nombre de onze en France. Il fonctionne avec des permanents qui  cherchent à construire une forme de culture intégrant      « l’expérience du monde ouvrier et les acquis de la culture bourgeoise ». Les fondateurs sont souvent des chrétiens engagés dans la Résistance, qui pensent et veulent avoir une mission sociale.  L’ambivalence de ce projet culturel et politique exprime la difficulté soulignée par Michèle Perrot et Madeleine Rébérioux: « constituer et affirmer des cultures plurielles en France, régionales, ethniques, féminines ou ouvrières de par la force intégrante du modèle national et républicain » . A part pour celle de Marly le Roy, le nom d’ Université n’apparaît pas . Pourtant comme le rappelle Lucie Tanguy, les instituts du travail sont avant tout une «  institution universitaire » dont l’idée est communément admise que «  les Instituts du travail naissent d’une alliance entre le monde ouvrier et les Universités », alliance négociée par Marcel David qui n’est pas sans rappeler celles des Dreyfusards et des premières UP. Après Strasbourg, un Institut du travail est crée à Paris ( 1961), puis un IES à Grenoble pour délivrer une formation « émancipatrice » aux syndicalistes »en  respectant leurs spécificités entre CFTC et CGT, ou FO.

–  Après mai 1968, outre la création de l’Université de Vincennes qui est « populaire » mais académique, alors qu’elle recrute sans les critères des autres universités, le baccalauréat, il est utile de signaler le mouvement Culture et Liberté, qui veut « contribuer au développement culturel du Monde du Travail sous ses aspects : personnel, économique, social, scientifique, artistique, civique, etc… ».

–  De cette période va naître l’idée de l’Education permanente, (1971) même si, de fait, elle était présente en France depuis le rapport Condorcet. Des noms doivent restés attachés à l’idée de la culture populaire : D’abord, le nom de Jean VILAR et le Festival d’Avignon, associé aux CEMEA et son Théâtre National Populaire qui va dans des quartiers ouvriers de la région parisienne. Ensuite, le nom de  Francis JEANSON, (1922-2009) philosophe « engagé » qui dès 1950 (Esprit, N° 5, page 858-861) écrivait avec clairvoyance «  Où en est aujourd’hui la scolarisation des enfants algériens ? » C’est lui, qui, à partir de 1957 a crée le Réseau « des porteurs de valises » pour transporter des fonds à destination du FLN. Jugé, condamné par contumace à dix ans de réclusion, il a été  chargé  par André Malraux de diriger la Maison de la Culture de Chalon sur Saône ( 1967-1971) et a relancé les idées d’Université Populaire y invitant des scientifiques de renom.Des initiatives d’hommes de cette envergure laissent toujours des traces, puisqu’en 2000 pour « ne pas perdre de la convivialité, pour avoir un projet utopique et porteur d’un projet fédérateur inter-âges », chaque soir, durant un an, des hommes et des femmes sont venus chanter et parler, pique-niquer sous l’arbre de la place du théâtre pour « Chalon de vive voix », ont fait dans la lancée, la Journée des Femmes du 8 mars et construit en 2002, le réseau d’échanges réciproques de savoirs et de création collective.

A des structures souvent agréées par l’Etat, il convient d’ajouter d’autres organisations et mouvements les Organisations syndicales ( CGT, CFTC) et le mouvement familial de milieu populaire.

Des auteurs ont produit toute une réflexion théorique tels Henri Desroche ou Richard Hoggart (La culture du pauvre, 1976), Paolo Freire ( Pédagogie des opprimés (1980) Geneviève Poujol (Les universités populaires sont de retour. 1982), Le renouveau de universités populaires (1983, document INEP de Marly le Roy)

–   Depuis une vingtaine d’années, on assiste à une explosion de la vie associative et au retour des universités populaires, très « déterminé » à vivre, depuis les années 2000. On y trouve une grande diversité de modèles, selon des objectifs et des réalisations diverses. Ces universités n’accordent pas la même signification à la formulation du type « Education Populaire »: soit l’idée est de  faire accéder au « Savoir », aux connaissances, au Patrimoine culturel réservés à certaines classes sociales privilégiées, soit c’est la volonté de « voir le peuple participer activement » à des activités artistiques, culturelles, sportives, de loisirs, en plus grand nombre, pour favoriser son épanouissement, soit elles demandent la reconnaissance officielle d’un « Patrimoine Culturel populaire ».

 

L’Université Populaire des Hauts de Seine a cinq ans.

 

Durant six mois, des personnes de diverses appartenances politiques ou syndicales, des féministes et des citoyens se sont rencontrés pour préciser le sens de leur association « pour la diffusion des savoirs et le développement d’une pensée critique ». Ils la définissent ensemble comme « La pensée critique est celle qui croit nécessaire de prendre du recul, le temps de la réflexion pour comprendre l’évolution du monde. C’est de savoir que dans l’histoire des hommes et des femmes ont forgé de instruments pour penser le réel; c’est penser que nul ne doit être exclu de leur maîtrise et c’est croire qu’ils doivent être soumis à l’épreuve de la réalité du monde dans lequel nous vivons, c’est croire que le détour par la réflexion théorique est une invitation à se forger une opinion, un moyen pour contribuer à la liberté individuelle ».

L’idée avait été lancée de manière large sur internet par Patrice Leclerc, alors militant communiste  « critique ». Une bonne trentaine de personnes intéressées ont répondu, de majorité de Gennevilliers, mais aussi d’Asnières,  Clichy, Colombes et Nanterre. En réunion, le groupe de travail  précisera ce que les mots veulent dire.

– Université, parce qu’il s’agit d’un lieu d’imagination, de formation, d’apprentissage à l’exercice de la pensée critique.

– Populaire parce qu’elle est ouverte à tous, afin de donner accès à des savoirs qui ne doivent pas rester le privilège de quelques spécialistes. Mais aussi parce qu’elle est le lieu où il est possible de réfléchir des questions qui nous traversent dans nos diversités et nos richesses.

– Un programme « expérimental » est alors établi par ce groupe de base qui fait surgir des idées et des noms d’invités qui accepteraient de venir « gracieusement » si possible. Des partenaires sont envisagés : Collège International de philosophie, Université Paris X, CNAM, Conseil Général, Fondation Copernic, Fondation Jean Jaurès.. des Revues, des Libraires. Est discuté le rapport avec le mouvement des Universités populaires de France, des questions : être membre du CA et donner des cours ? Valide t’on les connaissances ?

Au théâtre de Gennevilliers à 20 heures 30, le 15 mars  2004, une conférence de Martine  Abdallah Pretceille, professeur en sciences de l’éducation à Paris VIII ouvre sur Penser aujourd’hui.

Le programme comporte cinq cours de six séances le soir, pour la première année: Ils ont lieu généralement à l’espace culturel et éducatif des Grésillons, dans le quartier populaire de la ville, L’égalité, avec Gérard Bras, professeur de philosophie et alors Directeur de programme  au Collège international de philosophie, L’émergence du concept moderne de  risque par  l’universitaire en économie au Mans, Salima Hamouche, Le travail  d’hier à aujourdhui par  Ginette Francequin, Maître de Conférences  en psychologie au CNAM; l’histoire du roman avec Catherine Helbert, enseignante à Paris IV, et la théorie de Darwin, avec Antoine Parzy, professeur de philosophie en lycée.

2005-2006 : des subventions arrivent, un Conseil d’administration de 23 membres est constitué , élu le 19 septembre 2005 , un bureau s’en détache avec 8 membres, le Président est Bernard Sobel, le secrétaire est Patrice Leclerc.  Le CA vote après discussion une participation financière de 5 euros pour l’année pour l’ensemble des prestations  proposées. Le siège est à la Maison du développement culturel . Les cours ont lieu   dans divers lieux ( Grésillons, Bourse du travail, SNECMA)  Un journal Le petit curieux est rédigé par la commissions de communication et adressé gratuitement à tous les adhérents.

2007-2008 : La participation monte à 10 euros l’année. Un emploi tremplin est obtenu par le conseil régional, le manifeste est le même, les cours sont plus nombreux et demandés en Assemblée générale. Il y aura huit conférences ( La vie des hommes précaires de Guillaume Leblanc; le commerce équitable n’existe pas de Michel Besson,  Foucault, une pensée du sujet; par Matthieu Potte-Bonneville ; L’immigration, discours publics, humiliations privées,par Gérard Noiriel; Napoléon et le siècle des lumières par Antoine Casanova; La discipline scientifique nommée gastronomie moléculaire assassine t’elle la cuisine traditionnelle par le chimiste Hervé This; Survivrons-nous mille siècles ? par Roger-Maurice Bonnet, Directeur international de Space science Institute;  Pourquoi ne pas liquider l’héritage de Mai 68, par Bertrand Ogilvie) et 25 cours en thèmes Arts et société, Littérature, Histoire, Culture scientifique; Sciences humaines et sociales, philosophie.

Le programme est mis en oeuvre par la commission de programmation d’une dizaine de membres  est animée par Magali Lombard, à partir des demandes formulées en Assemblée générale.  Des innovations arrivent à la demande des adhérents: la première porte sur le côté transdisciplinaire des regards, autre innovation, l’UP a lieu à Gennevilliers, Nanterre, et à Bagneux. On fait les comptes.  Les conférences attirent du monde ( Noiriel  aura 138 personnes ) alors qu’en  général « on tourne  autour de 75 personnes », ce qui donne la température des pensées: l’immigration semble être une vraie question à réfléchir  (579 participants en tout sur 42 cours de philosophie, ce qui  fait entre 8 et 26 personnes selon  les cours) . Arts et société et histoire ont du monde aussi . Ceux qui ont eu un gros succès sont Spinoza avec Gérard Bras et Les mémoires ouvrières à travers les chansons par Cécile Prévost Thomas. Pour le cours de Rémi Hess sur valse et tango, les participants aimeraient plus de pratique du tango. La question des débats est posée: des auditeurs veulent débattre, d’autres pas du tout.

2008-2009 : Les auditeurs ont demandé de la philosophie asiatique, de la psychanalyse, de la sociologie, des cours sur les économies alternatives, aimeraient des cours sur le cinéma et le théâtre, sur le conflit israélo- palestinien, aimeraient un cours sur l’interprétation de statistiques et une conférence sur la santé publique.

Un nombre de femmes « à la maison » et d’hommes au chômage ou nouvellement retraités  demandent des horaires en après midi, une tentative est faire le mardi pour Psychologie et pour sociologie. De fait, en psychologie, 20 à 24 personnes sont venues régulièrement à la Maison du développement culturel qui est un lieu central  bien accessible, entre 13 heures30 et 15 heures 30, ce qui permet d’aller chercher les enfants à la sortie de l’école. Des cours sont demandés les samedi matin avec des sorties Musées et commentaires.

Des demandes matérielles arrivent comme « avoir des tablettes pour écrire » mais à 10 euros par an,  il est difficile de fournir une tablette. Les référents ( 9 pour 22 cours sont un peu découragés du manque de relais).

2009-2010 : Dix conférences ont lieu, selon le principe de l’entrée libre et gratuite, à Anthony, Asnières, Nanterre, Gennevilliers sur les thèmes comme Théâtre et pensée critique, La crise et l’écologie, Des atomes aux étoiles, Darwin, La Justice, L’art, Les rapports entre les sexes… Les cours sont constitués de 5 ou 6 séances de deux heures, sur les thèmes fortement demandés dans les mêmes villes mais aussi au CE de la SNECMA, à la CMCAS des Hauts de Seine, de Seine ST Denis, et à la Maison d’arrêt des Hauts de Seine. Fin novembre 2009, un partenariat avec les Cahiers d’Histoire a permis des rencontres d’histoire critique, sur le thème de Vivre la Ville.

 

La Dionyversité[1]

 

Si le mouvement des UP se meurt en 1914, le projet ne fut jamais totalement abandonné et d’ici, de là, de nouvelles Universités populaires, quelques fois éphémères, voient le jour. C’est le cas de celle de Saint-Denis en région parisienne, la Dionyversité qui a repris en guise de sous titre La coopération des idées pour faire un lien direct avec les origines historiques et le projet éducatif et social des anciennes UP. Elle est à l’initiative et portée par une petite équipe militante locale[2]. Elle a ouvert ses portes le 26 février 2008. Elle n’est pas le fruit d’une recherche théorique a priori ou de longues discussions autour d’un projet. Elle est le résultat de la pratique, la suite quasi naturelle d’une action militante de proximité. En effet, depuis plusieurs années, une association locale proposait une conférence mensuelle autour de la croyance et de la religion où la participation était assez importante. Avec le temps, une demande de nouveaux thèmes d’intervention a vu le jour. Les auditeurs de ces conférences souhaitaient élargir les sujets de réflexions autour du fait religieux à des sujets de société, à du social, du politique. Ils formulaient des demandes, des propositions, des envies. L’université populaire était en germe.

Ceux qui en furent à l’origine sont animés de valeurs. Ils adoptèrent dès lors quelques principes élémentaires qui guidèrent leur action.

– La gratuité totale, ce qui ne signifie pas que cette organisation n’a pas de coût et ce qui implique de trouver les moyens de son fonctionnement. A cette fin, la Bourse du Travail du Saint-Denis lui a ouvert ses locaux et la ville participe à l’affichage des programmes.

– Aucune procédure administrative : pas d’inscription, pas d’adhésion, tout participant est membres de l’association de fait.

– Pas de niveau requis pour l’entrée dans un cycle, pas de contrôle des connaissances, pas d’examens, ni de diplômes délivrés. L’UP s’inscrit dans une logique radicale d’Education permanente à visée citoyenne.

– Interventions de qualité ce qui implique un travail de repérage et de « recrutement » des intervenants sur des bases très claires : des cycles courts (8h) et une action totalement bénévole.

Chaque cycle se déroule sur de 4 séances, au rythme d’une séance par semaine durant un mois. Deux cycles ont lieu en parallèle sur deux soirées de 19 à 21 heures. Les séances sont organisées afin que la participation des auditeurs soit possible, une heure d’intervention, une heure d’échanges collectifs et/ou avec le « conférencier ». La Dionyversité s’inscrit donc bien dans la tradition des Universités populaires, à savoir délivrer des contenus de qualité et de bonne tenue, accessibles à tous. Mais elle vise aussi à laisser une large place à la critique et à la participation des auditeurs-acteurs pour ne pas retomber dans le travers pédagogique des UP historiques trop bavardes et trop « savantasses ». Elle se propose d’informer sur des thèmes divers, d’interroger les représentations voire de favoriser la conscientisation des publics sur des sujets variés d’histoire, d’actualité, de société… Elle a pour objectif de favoriser la prise de parole individuelle et collective, d’encourager au débat, à la contreverse et à l’élaboration collective afin de sortir de la domination et de la soumission à la parole des « maîtres ». Chaque cycle fait l’objet d’un quatre pages, rédigés par les intervenants et diffusé gratuitement. Chaque intervention est enregistrée et écoutable sur le site de l’UP.

Elle a programmé en 2008 et 2009, parmi d’autres, un cycle sur l’éducation populaire, la surveillance généralisée, la caricature, les femmes philosophes, femmes révolutionnaires, Willem Reich,  la critique des média, le décodage de l’économie… Jusqu’à présent, selon le thème abordé, chaque soirée réunit en entre 15 et 75 personnes. Début 2010, le programme de la Dionyversité est toujours aussi éclectique, à l’image de ses auditeurs et de leurs centres d’intérêts. Elle a accueilli un cycle sur la Guerre d’Algérie et elle organise un cycle autour des travailleurs sans papiers, un sur la peinture classique et moderne, enfin un sur la vieille et toujours brûlante question posée par La Béotie, à savoir celle de la Servitude volontaire.

De plus l’Université populaire organise ponctuellement des spectacles à prix libre de conscientisation. Ainsi Franck Lepage anima la soirée lors de l’inauguration de l’UP et Jean Pierre Levaray auteur de la pièce Putain d’Usine fut invité à y faire représenter sa pièce. Ces spectacles sont accueillis au théâtre de la Compagnie Jolie Môme en résidence à Saint-Denis.

Enfin, elle projette de développer des sorties à thème comme celle programmée pour juin 2009 sur le site du Familistère de Guise (Oise) fondé par Godin au 19e siècle, haut lieu de la culture utopique, autogestionnaire et industrielle en région Picardie ou encore d’organiser des soirée plus large comme celle proposée lors de la venue du philosophe Michel Onfray sur le thème : « Engagement, militantisme, et plaisir ».

Son public qui mériterait une approche sociologique et motivationnelle approfondie est majoritairement de Seine-Saint-Denis (95) en particulier de la ville de St Denis, elle-même mais de nombreux auditeurs-acteurs viennent aussi de Paris ou d’autres villes de banlieue d’autres départements de la Région parisienne (RP). Ce qui permet de formuler l’hypothèse d’une demande réelle et forte pour ce genre d’initiative en rupture avec la langue de bois et la pensée unique. L’assistance, souvent très assidue, est composée d’hommes et de femmes (60/40), de 25 à 75 ans, actifs ou retraités. Parmi eux et elles : des employés, des ouvriers, des agents territoriaux, des étudiants et des enseignants, des chômeurs…

L’Ambition des animateurs de la Dyoniversité et des nouveaux « upistes » qui les ont rejoints est double. D’abord, localement permettre la prise en charge et la gestion de cycles par les auditeurs eux-mêmes ce qui a déjà eu lieu lors de l’organisation du cycle sur la bande dessinée, proposé et assumé par un auditeur. L’autre, ce serait, à terme, d’essaimer en RP. Deux projets sont d’ailleurs à l’étude, l’un sur Paris centre, l’autre en proche banlieue sud.

 

Un mouvement en développement

 

Les deux exemples d’UP décrits en Ile de France sont illustratifs du ton de liberté et de créativité. D’autres Universités populaires existent en France, puisque ce sont 100 000 personnes qui chaque année suivent des enseignements dans 70 villes, sous formes d’ateliers, de cafés philosophiques, de carrefours européens, de pratiques, avec un colloque de l’association qui a lieu en novembre, avec le soutien d’Alternatives Economiques, de la Ligue de l’enseignement. Un site internet et la revue « Le savoir partagé » sont des relais d’information.

Le Mouvement ATD Quart Monde a crée en 1972 des universités que ce soit en France, ( dans 8 régions comme Alsace, Bretagne, Champagne Ardennes, Ile de France, Nord Pas de Calais, Normandie, Provence, Alpes, Côte d’Azur, Rhône-Alpes) ) en Belgique ou en Espagne, où des citoyens pauvres se réunissent sur des questions comme le droit de vivre en famille, l’accès au logement, le travail, les enfants, le beau, l’art, l’internet, l’Europe.

 

Bibliographie indicative :

Caceres B. (1974), Histoire de l’éducation populaire, Paris, Seuil.

Léon A. (1983), Histoire de l’éducation populaire en France, Paris, Nathan.

Lenoir H. (2009), Eduquer pour Emanciper, Paris, Editions CNT-RP ;

Mercier L. (1986), Les Universités populaires : 1899-1914. Education populaire et mouvement ouvrier au début du siècle, Paris, Les Editions ouvrières.

Mignon J.-M. (2007), Une histoire de l’éducation populaire, Paris, La Découverte.

Poujol  G. (1981), L’éducation populaire, histoires et pouvoirs, Paris, Editions de l’Ateliers.

 

Site :

http://www.dionyversite.org/

http://www.universite-populaire92.org

Courriel :

upsd@no-log.org

universitepopulaire92@wanadoo.fr

 


[1] Dionyversité car créée à Saint-Denis (93) où les habitants s’appellent des dionysiens.

[2] Une partie des informations à été collectée auprès d’un des initiateurs de l’UP, Philippe Raulin.

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