Adultes en situations d’illettrisme et N.T.I.C.

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ADULTES EN SITUATIONS D’ILLETTRISME :

 REPRESENTATIONS et USAGES

des

N.T.I.C.

 

 

“Par le biais d’un écran, on peut faire plein de choses,

plein de rencontres, plein d’achats, plein de rêves”[1].

 

In Ville-École-Intégration (VEI), n°133, juin 2003, pp. 260-283.


INTRODUCTION

 

Cet article est le résultat partiel d’une recherche[2] sur les rapports des adultes en situations d’illettrisme face aux “nouvelles” technologies. Dans ce travail, nous tentons de mettre à jour les représentations, les discours et les usages que cette population fait ou produits sur les technologies dites nouvelles. La présente contribution, après avoir rappelé quelques données sur l’équipement des “ménages” et les enjeux des nouvelles technologies (N.T.I.C.), ne fera état ici que de la première partie de notre recherche, à savoir celle qui porte sur les représentations de notre échantillon sur ces “objets”, les usages qu’il en fait ou pense en faire ainsi que les désirs et les craintes qu’il exprime à leur égard.

 

Cette recherche s’inscrit dans le cadre d’une sociologie compréhensive et expérientielle en ce qu’elle considère la parole des acteurs et l’analyse du chercheur comme porteuse de sens et complémentaires. Démarche sociologique qui invite à considérer l’expérience des acteurs y compris celle du chercheur comme “une activité cognitive (et comme) une manière de construire le réel et surtout de le “vérifier”, de l’expérimenter[3]. Ainsi, la sociologie de l’expérience sociale, telle que nous l’entendons, vise à définir l’expérience “comme une combinaison de logiques d’action, logiques qui lient l’acteur à chacune des dimensions du système”[4] et donc à des appréhensions plus larges. En conséquence, elle permet de bâtir des compréhensions plus fines, même si elles ne sont souvent que parcellaires, dans le cadre d’un système de vraisemblance élaboré à partir des représentations. Elle participe ainsi à l’œuvre commune qui vise à mieux saisir cette construction sociale aux multiples facettes que sont les situations d’illettrisme et les réalités individuelles et sociales qu’elles produisent chez les acteurs. Elle ne tend pas à produire une nouvelle théorie sociologique – ce qui par ailleurs à aussi ses vertus – mais à utiliser la sociologie comme un outil et une entrée dans une réalité sociale afin de mieux la comprendre et de mieux agir. Elle vise donc à produire des analyses et/ou des constats au service de l’action, des adultes et des acteurs impliqués dans le champ de l’illettrisme.

Comme nos recherches précédentes[5] concernant les illettrismes, elle s’inscrit dans une tentative d’émergence et de compréhension des représentations au sens de la définition qu’en donne J.-C Abric, à savoir : “la représentation, (…) est une forme de connaissance, socialement élaborée et partagé (…). Elle n’est pas un simple reflet de la réalité, elle est une organisation signifiante (…). Elle fonctionne comme un système d’interprétation de la réalité qui régit les relations des individus à leur environnement physique et social, elle va déterminer leurs comportements ou leurs pratiques. La représentation est un guide pour l’action et les relations sociales”[6]. On verra, à la lecture de nos résultats, combien cette définition est adaptée et pertinente pour ceux, qui comme nous, tentent de mieux appréhender le phénomène des illettrismes adultes et des situations qui y sont associées.

 

Nous avons choisi, afin de nuancer nos constats et nos hypothèses, mais surtout afin de respecter la parole des adultes que nous avons rencontrés et la palette des discours produits – quelquefois complémentaires, quelquefois contradictoires – d’utiliser l’expression adultes en situations d’illettrisme. Le s de situation permettant de faire apparaître de manière graphique et systématique la complexité de cette réalité et la diversité des propos et des postures sur ces technologies. Ce s à situation nous semblant par ailleurs mieux représenter la réalité plurielle et complexe du phénomène “illettrisme” qu’un s à illettrisme [que nous ne renions cependant pas] comme nous avions coutume de le faire dans d’autres travaux.


Problématique

 

Cette recherche part d’un questionnement visant à interroger la réalité de la fracture numérique auprès d’un public en apparence moins sensible, ou plutôt moins préparé, à l’émergence d’une société investie par les technologies de l’information. C’est pour tenter de répondre à cette question que nous avons rencontré une vingtaine d’adultes en situations d’illettrisme afin de mettre en lumière les discours et les usages présents ou envisagés des nouvelles technologies et plus particulièrement, puisque plus communs, de deux “objets”, à savoir l’ordinateur et internet. Nous formulions alors l’hypothèse, qui à notre sens ne s’est pas vérifiée, qu’ils étaient plus éloignés, moins informés, plus indifférents ou plus résistants à l’usage et aux attraits des technologies considérées tant dans le champ de la sphère domestique, que de l’apprentissage et du travail. Nous avions donc choisi de pénétrer au travers de leur parole à la fois dans les représentations et dans l’usage éventuel de ces technologies par une population risquant des phénomènes de discrimination technologique afin de mieux connaître le risque ou la réalité de celle-ci. Nous avons, le résultat de cette recherche en fera état, dû depuis reformuler notre hypothèse et surtout largement modifier notre propre représentation du lien que les (ces) adultes en situations d’illettrisme entretiennent avec l’ordinateur, internet, etc.

 

Méthodologie

 

Notre enquête s’appuie sur un échantillon d’adultes en situations d’illettrisme engagés pour la plupart d’entre eux dans un cycle de formation dit de Remise à niveau. A l’évidence, leurs connaissances de bases étaient, aux dires des formateurs et des formatrices, très lacunaires et partielles et relevaient donc bien de situations d’illettrisme et/ou des premiers niveaux professionnels même si nous n’avons procédé nous-même à aucun test et à aucun positionnement. Néanmoins, leur niveau de connaissances réelles, bien que difficile à estimer avec précision, était généralement modeste et très hétérogène. Malgré cette nuance, tous et toutes appartenaient bien à l’échantillon recherché, à savoir être adulte et en situations d’illettrisme, non pas dans le cadre d’une définition étroite et toute aussi incertaine de l’illettrisme mais dans une conception relevant d’un spectre large se référant à la définition élaborée par le G.P.L.I. en 1995[7] (Groupement permanent de lutte contre l’illettrisme) assez généralement acceptée à ce jour. Notre recherche a été conduite à partir d’une enquête de terrain dans le cadre d’entretiens semi-directifs, réalisée en 2001 auprès d’individus volontaires.

Notre échantillon[8] – aléatoire et sans prétention autre que sa propre représentativité – était composé de vingt et un adultes, vingt salariés et un jeune demandeur d’emploi, dix femmes et onze hommes. Les femmes étaient toutes employées comme agents hospitaliers dans des structures hospitalières publiques.  Elles occupaient des emplois en cuisine, en salle, en blanchisserie, à l’accueil. Elles étaient âgées de trente à quarante sept ans. Les hommes salariés étaient agents publics dont huit hospitaliers. Ils occupaient, lors des entretiens des fonctions de brancardiers, d’ambulanciers, d’aide-soignant ou travaillaient en cuisine, en blanchisserie ou à la manutention. Les hommes étaient âgés de dix sept à quarante trois ans (26 à 43 pour les agents publics).

Il s’agit donc de travailleurs le plus souvent en milieu de carrière auxquels ils restent environ entre quinze et trente ans de travail avant d’arriver à la retraite ce qui souligne l’importance, et à terme, l’urgence de leur acculturation et de leur formation aux  “nouvelles” technologies.

Tous et toutes ont été scolarisés en France dont neuf dans les territoires d’outre-mer et un pour moitié à l’étranger. Ils ont quitté le système scolaire entre quatorze et dix neuf ans, neuf se déclarent sans aucun diplôme, ceux-là ont quitté l’école en cours de 5e ou de 4e ou durant un CAP. Dix ont obtenu soit un CEP ou un BEPC, soit un CAP (1 BEP)[9].

Leur tranche d’âge, leur statut social de salarié, leur parcours et leur niveau scolaire, leur catégorie socioprofessionnelle tendent à accréditer leur appartenance aux groupes des adultes en situations d’illettrisme.

Nous avons conservé l’appellation “nouvelles technologies” et le sigle N.T.I.C. comme terme générique même si nous sommes très circonspect quant à la nouveauté de ces technologies. C’est avec ce terme et ce sigle que nos entretiens ont été conduits car ils nous sont apparus comme les plus “connus” et plus généraux et surtout comme les plus susceptibles de permettre aux adultes en situations d’illettrisme de produire du discours et d’énoncer des représentations sur les technologies contemporaines. Néanmoins notre travail, même s’il contient quelques allusions à d’autres outils, porte d’abord sur l’usage de l’ordinateur et d’internet.


I. – TECHNOLOGIE ET SOCIÉTÉ

 

Avant d’entrer dans le discours et les représentations des adultes en situations d’illettrisme sur les prétendues nouvelles technologies, il nous apparaît opportun de faire un bref rappel[10] sur la réalité des équipements et des usages des N.T.I.C. dans l’hexagone à partir de quelques articles récents et de quelques chiffres parus dans la presse ou dans les quelques ouvrages de qualité consacrés à cette question. Nous tenterons, par là, d’éclairer le mythe ou la réalité attachés à la question du fossé voire de la fracture numérique et surtout d’essayer de mieux cerner si oui ou non les adultes en situations d’illettrisme sont plus ou moins éloignés ou plus ou moins exclus d’un monde technologique en gestation voire même en proie à un risque majeur d’illectronisme[11].

 

I.1 – Quelques données sur les N.T.I.C. et internet.

 

Qu’en est-il de ce risque ? Tout d’abord, tentons de savoir qui et combien de personnes sont utilisateurs d’un ordinateur ou se connectent à internet dans l’hexagone. Ces quantifications sont fragiles et quelquefois contradictoires d’une enquête à une autre d’autant que le nombre d’utilisateur ne cesse de croître. Selon une enquête du CRÉDOC, en juin 2000, 14 % de la population avait accès à internet depuis chez elle, 9 % depuis son lieu de formation ou de travail, soit un total de 23 %[12]. En janvier 2002, le journal Science et Vie Micro (SMV) fait état d’une étude récente qui constate que 63 % de la population n’a encore jamais accédé à ce jour à internet ni sur le lieu de travail ni a domicile et que 37% de celle-ci – celle des “techno-exclus volontaires ou non”[13] – n’ont pas ou ne souhaite pas posséder d’ordinateur[14] soit pour des raisons d’intérêt ou d’usage, soit pour des questions de moyens financiers. Toujours selon la même enquête, même si le parc machines augmentent (plus 2,5 %) et si les accès au réseau internet croissent d’environ 5 % par an seulement 33 % des foyers auraient un ordinateur et 23 % seraient connectés. A l’horizon 2002, 35 % des foyers de l’hexagone auraient un micro, 25,5 % seraient connectés sur le Web.

Des enquêtes de 1999 et 2000 rappellent néanmoins d’une part, que selon la Sofres : “il apparaît que les utilisateurs français d’Internet sont plutôt des hommes jeunes, 70 % de moins de 35 ans, et disposant d’un niveau d’éducation élevé (56 % de cadres)”[15] et que d’autre part, selon le CRÉDOC, la persistance de fortes inégalités, chez les personnes percevant moins de 6000 F par mois et les retraités pour lesquels le taux de connections est respectivement de 15 % et 3 % seulement contre près de 75 % chez les cadres supérieurs et 50 % chez les étudiants[16]. En 2002, le constat reste identique. Ainsi, selon Science et Vie Micro,  les personnes équipées de micro ordinateurs et utilisateurs d’internet seraient plutôt des individus jeunes (36-37 ans) à haut revenu et/ou appartenant à des professions intellectuelles (52 % ont un niveau d’études supérieures), ce qui confirment les résultats d’une enquête réalisée en 2000 pour le compte du Ministère de la Culture où l’on pouvait lire que  “les personnes qui disposent chez elles d’un ordinateur et d’équipement numérique ou multimédia sont aussi celles qui fréquentent le plus les lieux culturels et comptent le moins de forts consommateurs de télévision”[17].

En revanche, toujours selon SMV, le profil “type” du non équipé donc non connecté est plutôt celui d’un individu plus âgé (49-50 ans), à revenu moyen voire faible et dont le niveau d’études le plus répandu est primaire.

A noter, compte tenu du lieu de réalisation de notre recherche (Paris) et d’en objectiver la lecture, que selon C. Sapué (?), Président de l’association des fournisseurs d’Internet, les ménages connectés en Ile de France le seraient deux fois plus qu’ailleurs[18].

 

Quant aux usages d’internet, pour ceux qui y ont accès, ils se limitent bien souvent à celui de l’annuaire ou des horaires SNCF, parfois à la recherche d’information sur une destination ou un spectacle et depuis quelque temps à l’achat de bien de consommation. L’usage en est donc, sauf pour une nouvelle génération d’étudiants, assez pauvres et nous savons par ailleurs qu’au-delà des 13 % d’internautes déjà évoqués qui se connectent pour étudier, que le cybersexe quant à lui représente 25% du trafic[19]. Usage, par ailleurs, quelquefois mal maîtrisé et aux effets non négligeables sur le lien social qu’évoquera notre échantillon et déjà constaté par certains auteurs. En effet, “il semble qu’un certain nombre de personnes succombent déjà à cette tentation de vivre désormais seules dans un tel univers (celui d’internet). Selon certaines enquêtes sociologiques, la pratique d’internet tend, si l’on y prend garde, à désocialiser les individus. Une recherche conduite à Pittsburg (Etats-Unis) par l’équipe de Robert Kraut, auprès de 256 personnes pendant deux ans, a montré que “l’utilisation d’internet diminue le cercle de relations sociales proches ou lointaines, augmente la solitude, diminue légèrement la quantité de support social et augmente les sentiments dépressifs”[20].

 

I.2 – N.T.I.C. et exclusion

 

Quant au risque de fracture sociale et en conséquence d’exclusion des adultes en situations d’illettrisme – ou plutôt à certaines formes de désaffiliation pour reprendre le terme de Robert Castel – du fait de l’émergence massive des nouvelles technologies, la littérature est, semble-t-il, assez pessimiste pour ne pas dire alarmiste. Nous verrons, que nos résultats tendent à largement pondérer ces discours que nous partagions et que nous partageons peut-être encore pour une part malgré le caractère rassurant des propos que nous avons recueillis. Trois types de risques d’exclusion apparaissent dominants : économique, professionnelle, pédagogique et pourraient, à terme, engager des phénomènes de désaffiliation sociale massif pour les populations les moins formées et les moins qualifiées. Nous allons rapidement, à l’aide de quelques références clés tenter de pointer les mécanismes à l’œuvre.

Tout d’abord en matière économique, il est clair qu’encore aujourd’hui, même si les coûts ont généralement diminué, l’achat d’un ordinateur ou la connexion sur internet représentent souvent pour les ménages les plus modestes un investissement encore lourd. Ce qui a pour conséquence, l’acquisition d’un ordinateur n’étant pas à la portée de tous, de susciter une crainte des familles de voir leurs enfants faire partie des futurs “info-pauvres”[21], voire eux-mêmes de se vivre comme dépassés[22]. Constat qui nous amène à partager l’idée, que notre travail tend à renforcer, que “la notion d’exclusion liée à internet semble moins attribuable à la pratique en tant que telle du média qu’aux conditions même d’accès de son accessibilité et à la relative autonomie de pouvoir en disposer”[23]. Nous y reviendrons, pour les adultes en situation d’illettrisme de notre échantillon.

 

Ensuite, dans le champ professionnel, le risque de désaffiliation partielle ou totale, renforcée par l’arrivée massive de technologie, apparaît comme une réalité probable à plus d’un observateur. Au-delà, des craintes que nous avons déjà formulées en d’autres lieux[24], rappelons que dès 1996, nous pouvions lire : “l’entrée en force des autoroutes de l’information et des multimédias n’est pas sans conséquences sociales avec les risques d’un écart grandissant entre les nations et, à l’intérieur de la société française entre ceux qui savent se servir de l’informatique et ceux qui ne la comprennent pas. Naviguer sur le Web n’est pas à la portée de tous et il y aura des exclus”[25]. Même constat et même crainte renouvelés en 2001 dans Inffo Flash où l’on pouvait lire : “la nécessité d’une mise à niveau constante des connaissances laisse craindre la montée d’un dualisme économique et d’inégalités en matière d’accès à la nouvelle culture informatique (inégalités en termes de sexe, d’âge et de qualification). Ce risque est réel si l’on se base sur les observations effectuées aux Etats-Unis”[26]. Dans ce domaine, de nombreuses observations convergent vers un même constat qui devrait nous alarmer sur une situation sur laquelle aujourd’hui peu de choses sont faites. L’O.C.D.E. (Organisation de coopération et de développement économiques) dont on connaît la sensibilité libérale, elle-même, s’inquiète d’un risque grandissant entre ceux – individus ou contrées – qui utilisent et/ou maîtrisent les technologies et les autres. Dans un rapport de cette organisation paru en 1999 intitulé Surmonter l’exclusion grâce à l’apprentissage des adultes, il était clairement indiqué que “le développement de la globalisation des économies “du savoir” par exemple et les bénéfices qu’elle peut apporter, laisse de côté une partie importante de la société, pour des raisons géographiques ou faute d’accès aux connaissances et à la formation (et que) “la compétence et l’assurance acquises dans l’utilisation des technologies de l’information et des communications (T.I.C.) donne un bon exemple qui englobe toute la gamme des objectifs : professionnels, sociaux ou personnels. La maîtrise des T.I.C. est de plus en plus indispensable à l’intégration dans tous les aspects de la vie contemporaine. L’acquisition de ces compétences mérite d’occuper une place de premier plan dans la lutte contre l’exclusion sociale”[27]. Et ce même rapport d’ajouter, que dans quelques-unes des études réalisées sur un certain nombre de pays : “un travailleur sur dix est freiné dans ses tentatives de recyclage par l’insuffisance de ses connaissances de bases. Les exigences créées par l’évolution rapide des technologies signifient que les adultes les moins alphabétisés sont ceux qui doivent se battre le plus pour se  maintenir à niveau”[28]. Constat réaliste qui conduit les auteurs à affirmer quelques pages plus loin que “les problèmes de l’exclusion ont peu de chance de diminuer, (nous sommes en 1999), au cours des années à venir, compte tenu de la rapidité des changements qui interviennent dans la plupart des pays sous l’effet de la mondialisation et des progrès des technologies de l’information et des communications”[29]. La situation est préoccupante et les risques de désaffiliation sont bien réels, même si nos résultats, nous le verrons, pondèrent et nuancent ces risques. Ainsi, sans faire montre d’un pessimisme trop aigu, il apparaît urgent d’engager une réflexion et des actions dans le sens d’un accès facilité et rapide des premiers niveaux professionnels aux technologies contemporaines en gardant toutefois à l’esprit qu’il ne s’agit pas exclusivement et strictement d’un niveau de savoirs prérequis mais que d’autres types de mobilisation de compétences sont aussi à engager. En effet, comme le souligne Francis Ginsbourger, “de nombreuses observations ont été menées à propos du travail et des nouvelles technologies. La plupart montreront qu’en réalité l’informatique (et l’automatisation) n’exige nullement une élévation du niveau de qualification ou de formation – qui ne sont que “gages d’adaptabilité” – mais ce qui change alors, pour l’essentiel, réside bien plutôt dans le fait que l’activité réclame désormais d’autres manières d’apprendre dans et de l’activité de travail elle-même, et donc que les conditions d’apprentissage dans le travail jouent un rôle primordial”[30]. Le tout formation serait donc un leurre et ferait porter abusivement à l’apprentissage et aux adultes se formant l’entière responsabilité de cette adaptation à marche forcée s’il ne leur est pas associée une profonde réflexion sur l’organisation du travail et sur les liens entre nouveaux procès de production et mobilisation des intelligences. Alors, réapparaît le mythe de l’organisation apprenante ou qualifiante où le travail ouvrier changerait de nature, quitterait le champ de l’aliénation pour celui de l’apprentissage. Sans succomber aux chants des sirènes d’une modernisation plus  attendue que réelle, rappelons qu’aujourd’hui le lien entre niveaux de connaissances des acteurs et performances des organisations est établi et “l’entreprise qui maintient (trop) de salariés non qualifiés ou trop peu qualifiés, en plus de condamner l’avenir professionnel de son personnel, se condamne elle-même”[31].

 

Enfin, même si l’éducation permanente et la formation continue ne sont pas la panacée ou l’arme absolue contre les risques d’exclusions technologiques, elles semblent bien souvent et à raison comme un des leviers d’adaptation des savoirs et de modernisation des connaissances de plus en plus essentielles au pouvoir vivre socialement et professionnellement. Mais, là encore, le spectre de la désaffiliation pointe. D’abord, nous l’avons déjà évoqué, du fait du coût encore important des matériels à l’achat mais aussi en termes de maintenance car la vitesse d’apparition de “nouveautés” sur le marché disqualifie rapidement les moins aisés, surtout s’ils ont déjà consenti un premier investissement pour eux conséquent. En effet, sur ce marché, non seulement “le matériel devient vieillot après deux ans, (mais) devient (quasi) inutilisable après cinq ans”[32]. Comment dans ces conditions maintenir un effort économique permanent pour s’éduquer et maintenir son niveau d’employabilité ? Mais, au-delà de la dimension monétaire, les auteurs s’interrogent sur la possibilité, voire la capacité de toutes et tous, d’atteindre un niveau de maîtrise suffisant en matière de N.T.I.C. et beaucoup se posent la question de savoir si “ces innovations ne vont (…) pas creuser les inégalités entre les élèves (ou les stagiaires) capables de naviguer aisément dans les divers hypertextes et ceux qui maîtrisent mal les apprentissages de bases “[33] ? Certains auteurs expriment des craintes fortes dans ce sens et considèrent que si certains apprenants et usagers d’internet, des N.T.I.C. et des liens hypertextes développeront des capacités cognitives, ils pensent que “pour beaucoup d’autres, cette espérance est illusoire et conduit à un zapping généralisé. En effet, de clic en clic, les internautes retrouvent leur  geste de téléspectateurs munis de la télécommande, passant de chaîne en chaîne, au fil de leur envie et de leur ennui”[34]. Sans partager totalement le point de vue d’Anne-Marie Chartier et de Jean Hébrard, nous pouvons nous demander en effet quels sont ou seront les effets cognitifs d’un usage “primaire” des N.T.I.C. que nous avons constaté dans notre recherche et qu’il s’agit bien évidemment et à tout prix, sauf à donner raison aux deux auteurs, de dépasser dans des délais courts. Quant à nous, si nous faisons le pari de l’éducabilité cognitive des adultes en situations d’illettrisme en matière de technologie comme en matière de savoirs de base, un certain nombre de questions reste attaché à l’apprentissage des adultes en général. La question des technologies au service de l’éducation ne surgissant qu’après. En effet, comme le souligne, Monique Linard, la question de l’outil n’est que secondaire car “quel qu’en soit le support technique, tout projet de médiatisation d’une formation continuera donc à renvoyer d’abord à la question : “Qu’est-ce qu’apprendre ?”, et ensuite seulement la question “Comment apprendre avec quel outil”[35].

De plus, il nous faut raison garder, quel que soit l’enthousiasme pédagogique que suscitent ces technologies, la lecture demeure et demeurera encore longtemps un incontournable. Elles ne solutionneront pas, même si elles pourront le faciliter, la question de l’accès et de la maîtrise des savoirs de base. Au-delà, Monique Linard souligne que les technologies impliquent ou impliqueront que “l’apprenant (devra) être capable d’acquérir seul les nouveaux savoirs et méthodes, mais aussi posséder une capacité générale d’acculturation et d’adaptation permanente à l’innovation technologique”[36].

Un tel constat, on l’imagine facilement nécessitera, s’il l’on veut engager les adultes en situations d’illettrisme dans des parcours de la réussite, des dispositifs de formation à l’ingénierie adaptée. C’est à cette même conclusion que parviennent autant Jacques Perriault qu’un article publié dans une revue de l’O.C.D.E. Pour le premier, “la nature même des publics, en particulier des adultes (de premier niveau de savoirs[37]), fait problème : leurs motivations, leurs exigences, les raisons de leurs succès et de leurs abandons. Leur mode d’apprentissage est mal connu de même que les éléments facilitateurs et les facteurs de blocage. Une didactique professionnelle est à construire[38]“. Les auteurs de l’article, quant à eux, considèrent, avis que nous partageons d’autant que nous pensons que les N.T.I.C. complexifient la question pédagogique, que “les adultes ayant un très faible niveau de qualification devraient bénéficier de dispositifs de formation particuliers. En général, ils n’obtiennent pas de bons résultats lorsqu’ils sont placés dans des situations d’apprentissage qui rappellent le modèle scolaire fondé sur des méthodes pédagogiques qui leur sont inadaptées. C’est pourquoi l’enseignement proposé doit tenir compte de leurs acquis et replacer les connaissances dans leur contexte, les reliant, par exemple, à des situations concrètes de la vie professionnelle”[39].

 

Enfin et pour conclure cette partie qui touche aux risques de désaffiliation partielle ou totale du fait des nouvelles technologies, il convient d’évoquer, même si notre travail n’y fait pas référence, le danger de désaffiliation citoyenne qu’un usage pervers et autoritaire des technologies pourrait comporter autant pour les populations adultes en situations d’illettrisme que pour les autres. En effet, même si ce danger n’est pas à l’ordre du jour, il nous est apparu essentiel d’en évoquer l’existence afin de souligner que derrière les technologies, outils d’apprentissage ou pas, se repèrent des systèmes d’intérêts et d’enjeux qui dépassent de loin le cadre de cette recherche. En bref, il convient de rester vigilant, car il n’y a pas de neutralité technologique et qu’il est toujours pensable que ces technologies ou d’autres dans l’avenir conduisent comme le craint Erik Izraellewicz, au “renforcement d’une “hyperclasse”, une élite branchée sur internet qui dominera le monde”[40].

 

II. – N.T.I.C. et REPRÉSENTATIONS

 

Nous aborderons dans cette deuxième partie non seulement les représentations générales que les discours des adultes en situations d’illettrisme font apparaître sur les nouvelles technologies, mais aussi, le niveau d’équipement de cette population et surtout les usages réels ou potentiels qu’eux ou leurs entourages en ont ou en font. Nous évoquerons enfin les craintes ou les espoirs qu’elles font naître.


II.1 – Des représentations communes

 

Les représentations dont nous conservons la définition de Jean-Claude Abric apparaissent, somme toute, pour chacun d’entre nous comme une appréhension souvent empirique du réel mais aussi comme un mode opératoire provisoire que viendra transformer une information ultérieure. En cela, celles manifestées par les adultes en situations d’illettrisme ne sont ni éloignées, ni très différentes de celles de tout un chacun convié à s’exprimer lors d’un radio- trottoir.

 

La représentation commune sur les nouvelles technologies de notre échantillon est proche de celle partagée en général et qu’il est possible de constater dans le métro lors de conversation courante. Seule une personne se déclare dans l’incapacité de répondre à la question sur ce que sont ces technologies tout en soulignant qu’il y a “plusieurs sortes de technologies”[41]. Ce qui laisse à penser qu’il s’agit plus d’un effet lié à la timidité ou au doute plus qu’à une ignorance absolue et qu’une investigation plus longue aurait, sans doute, permis l’expression d’une réponse plus précise.

L’expression nouvelles technologies renvoie donc assez généralement à “tout ce qui est informatique” et qui peu à peu pénètre la sphère domestique. L’ordinateur apparaît comme la plus citée de ces machines, puis très fréquemment le téléphone portable, “car c’est la technologie aussi”. Internet[42] plus rarement, son coût et la nécessité d’un équipement le rendent encore difficile d’accès à notre population qui n’en ignore pourtant pas l’existence. Le DVD, aussi, est évoqué à plusieurs reprises avec la web-cam. La gamme des technologies communes et disponibles fait donc partie de l’environnement des personnes rencontrées. L’univers du travail n’est pas non plus absent même si son évocation est plus rare, en particulier celui du milieu hospitalier. Dans ce cadre “technologie” peut renvoyer aussi bien aux “opérations par les robots qui remplacent le bras du chirurgien” qu’à tout ce qui est “tunnels de lavage (…), plieuses à draps, plieuses à torchons”. Le discours recueilli montre que notre échantillon n’est pas imperméable aux technologies qu’ils nomment volontiers même s’il ne les maîtrise pas toujours. Elles n’apparaissent ni étrangères à leur préoccupation, ni présentées comme inaccessibles, nous y reviendrons. Certes, certains ne s’y “intéresse pas trop” mais ici rien de spécifique aux adultes en situations d’illettrisme, Yves Lasfargue[43] et d’autres avec lui ont depuis longtemps prouvé que les technopathes appartenaient et/ou appartiennent à tous les groupes sociaux. Au demeurant, l’univers des technologies reste un peu mystérieux et renvoie à “pas mal de truc“, mais là encore, rien de bien significatif à notre sens, quant à une spécificité marquée de notre échantillon.

 

Ce qui par contre est plus intéressant en ce qui concerne les technologies, c’est qu’au-delà de leur caractère de nouveauté, c’est leur appréhension spontanément positive. Elles apparaissent comme des “nouvelles méthodes (…) des inventions de l’homme”, “des nouveaux trucs (…) qui évoluent dans le futur”, qui permettent “d’avancer”, comme “un plus” qui peu apporter du bien, tant dans la vie quotidienne que dans le travail de tous les jours soit en réduisant “la pénibilité”, soit en offrant la possibilité “d’accéder sur des systèmes, sur des services” dans l’hôpital. Pas d’expression d’angoisse apparente, peu de craintes exprimées sur d’éventuels effets négatifs de ces techniques, si ce n’est peut-être celle liée à la vitesse de leur évolution. “Ça avance très vite je trouve”. Ainsi, au travers de notre échantillon, les technologies n’apparaissent pas comme un monde hostile mais plutôt comme une “ouverture” voire “un gain de temps”, même si quelques entretiens laissent filtrer quelques expressions de fatalisme, laissant entendre qu’on ne peut rien contre ce mouvement général de la société.

 

II.2 – Équipement de l’échantillon


Au regard du taux d’équipement déclaré ou envisagé la population de notre échantillon ne semble pas résistante aux technologies et à ses vecteurs. Elle paraît même à bien des égards séduite ou mieux déjà équipée de l’une de ces machines. Le téléphone portable, malgré quelques difficultés de “programmation”, est assez généralisé. L’ordinateur et internet sont plus communs que ce que nous avions imaginé. En cela, même si sa situation révèle un taux d’équipement inférieur au reste de la population, il est assez proche et notre échantillon n’apparaît pas, loin s’en faut, totalement déconnecter d’une réalité où ces techniques prennent une place toujours plus importante dans l’espace domestique. Ainsi, seule une petite minorité des interviewés déclare ne pas avoir d’ordinateur à la maison ou ne pas en avoir un “personnellement” mais quelqu’un de leur entourage et ne pas s’en servir ou bien que “c’est quand même assez cher. C’est pourquoi moi ça ne me branche pas trop (et d’ajouter un instant plus tard), même si c’était gratuit, je ne suis pas trop attiré par ça” mais qui néanmoins pourrait à terme se laisser tenter, que “ça va venir mais pas tout de suite parce que c’est vrai que c’est encore un peu cher”.

Nombreux sont ceux, par contre, qui ne sont pas encore équipés mais qui à court ou moyen terme souhaitent pouvoir acquérir un ordinateur voire naviguer sur internet. Certains le souhaitent mais considèrent qu’ils le feront “quand ce sera moins cher”, ou que l’hypothèse n’est pas absurde “pourquoi pas”. D’autres, ont un projet d’équipement plus ou moins arrêté et à réaliser soit rapidement : “je compte en avoir un très vite (…) dans quelques mois”, ou “l’ordinateur (…), je n’en ai pas mais je vais acheter un ordinateur pour mes filles qui vont rentrer en quatrième pour qu’elles puissent travailler à la maison” ; soit d’ici à quelque temps lorsque les enfants seront plus grands, c’est le cas d’un interviewé qui nous confie : “chez moi, j’en ai pas, mais j’attends que ma fille arrive à un certain niveau scolaire et quand je verrai le moment arriver auquel elle en aura besoin, là, oui, l’ordinateur…”. Un autre est sans projet précis, mais “aimerait bien”. Aucun refus catégorique, aucune hostilité apparente envers ces outils.

Une petite majorité se décrit comme équipée à leur domicile même s’ils n’en sont pas les utilisateurs directs : “il en a un pour enfant (…), un portable pour apprendre à lire, à compter. L’ordinateur lui apprend à écrire, il lui dit “non recommence”[44] ou “Chez moi, j’ai un ordinateur, mais c’est pas moi qui m’en sers c’est mon neveu”, “c’est mon fils”, ou leur fille  ou leur mari. Certains font de la musique avec, ou même, comme ont un ordinateur “depuis quelques années”.


II.3 – De l’usage des N.T.I.C.


Ainsi, malgré un intérêt souvent affirmé pour l’ordinateur et internet, la population que nous avons rencontrée, comme nous l’avons constaté plus haut, n’en a pas toujours un usage direct, facile et quotidien. Certains d’ailleurs déclarent – est-ce là une façon d’éluder la question de l’usage ou de l’absence d’équipement ? – qu’il n’en voit pas aujourd’hui “l’utilité, peut être plus tard”, que “ça (l’) intéresse pas trop”, “que ça prend longtemps et (qu’il) n’a pas le temps” ou que s’il “avait un peu de temps”, il s’y intéresserait. Un autre affirme qu’il n’envisagera d’avoir un ordinateur que lorsqu’il saura s’en servir car :“comme j’ai dis à ma compagne, c’est pour dire d’avoir un ordinateur pour avoir un ordinateur, il faudrait qu’on ait un ordinateur pour pouvoir s’en servir”.

Dans un autre sous-groupe, un adulte rencontré même s’il n’est pas en possession d’un ordinateur, souhaite en acquérir un. Un autre est arrêté par le coût mais déclare avec enthousiasme que si le prix baissait : “Ah ! Oui, oui, je m’en achèterai un, oui, ça…” ou que “malheureusement”, il n’a pas eu l’occasion d’aller sur internet. Ainsi, quelle que soit la situation des uns ou des autres par rapport à ces technologies, tous en ont entendu parler, tous ou presque sont en mesure de produire du discours dessus, voire de formuler des avis ou des regrets, ou d’affirmer des choix sur l’intérêt, ou non, pour eux de les utiliser. Elles n’apparaissent pas comme extérieures ni à leurs préoccupations, ni à leur environnement.

Le portable a bien évidemment aussi pris sa place aussi dans les poches et les sacs des interviewés. Tous, à part quelques réfractaires ou pour une question de coût – une fois encore – possèdent un tel appareil. L’usage qu’ils en font est des plus banal. Il sert : “pour communiquer avec des amis, la famille”, pour “laisser un message”, “pour appeler quelqu’un d’urgence”, de prévenir quelqu’un s’il y a un problème sur la route” ou comme “un dépannage”.

 

Ce qui par contre est plus intéressant c’est le rapport technique qu’ils entretiennent avec la machine et les éventuelles difficultés d’usages qu’ils rencontrent. Il y a ceux qui en ont une utilisation basique et qui s’en contentent et qui déclare à propos de l’usage de son portable : “je m’y investis pas trop, moi tant qu’il sonne et tant que je sais répondre…” ou : “bien déjà l’allumer, l’éteindre, appuyer sur les touches, pour moi, ça me suffit, le reste…”. Ceux qui ont appris par eux-mêmes en s’aidant des notices d’utilisation dont on connaît la complexité : “bien, j’ai appris à travers les bouquins, au début c’est pas facile” et ceux qui ont découvert les fonctionnalités en cumulant lecture, intuition et tâtonnement expérimental : “pour le premier, on a toujours des petits problèmes, mais je trouve que c’est bien expliqué, plus on les manipule et plus on s’en sort bien”.

D’autres, plus nombreux ont rencontré de  réelles difficultés et se sont appuyés sur leur réseau relationnel : “bien, j’ai lu le mode d’emploi, déjà. Et puis bon, j’y suis pas arrivé, j’ai demandé à un copain qui m’a expliqué et puis voilà”. D’autres enfin qui l’utilisent a minima comme l’un d’entre eux qui a eu recours à son entourage mais qui n’avoue pas directement son incapacité ou son impuissance et qui prétexte – il s’agit là d’un processus de contournement classique – une difficulté ne relevant ni de la lecture, ni de la compréhension : “Ouais, mais j’ai eu du mal, j’ai eu du mal. C’est pas moi qui l’ai fait, c’est mon fils qui l’a fait à ma place, moi j’ai eu du mal (…) parce que je ne suis pas patient. Je suis pas patient. Donc, il faut appuyer sur 10 000 touches, non, non, non, non”. Certes, les répétitions sont peut-être le signe d’un réel désarroi mais est-il significatif d’une situation d’illettrisme ?

Comment ne pas songer à notre propre cas ou à celui d’un de nos proches dans des situations de même nature ? Une fois encore, face et/ou aux prises avec ces machines “programmables”, les adultes en situations d’illettrismes sont-ils bien différents de ceux que l’on qualifie hâtivement de “lettrés” ? Peut-être, sont-ils pour certains plus démunis, sans doute ; pour d’autres il conviendrait de faire des tests comparatifs et nous n’osons faire une quelconque hypothèse sur les résultats lorsqu’on sait les capacités d’enfants non scolarisés ou peu scolarisés à “s’approprier” des objets technologiques et la “résistance” voire l’indigence de certains adultes à s’y acculturer.

 

Malgré un accès limité du fait du coût d’un ordinateur et d’un équipement partiel de notre échantillon, tous ses membres ou presque – même s’il ne nous a pas été possible de distinguer finement les utilisateurs des non utilisateurs – ont des représentations et/ou des pratiques quant à leurs usages. Deux grandes fonctions en lien avec internet le plus souvent apparaissent massivement dans les discours, hors la fonction d’apprentissage que nous aborderons plus bas. La première est une fonction de communication et d’échanges surtout avec des personnes éloignées : “communiquer avec des gens très loin” (S.), “parler à quelqu’un qui se trouve à Tokyo”, “avec la personne qui est au bout du monde”ou plus prosaïquement “avoir des contacts avec d’autres gens”. Qu’il s’agisse de fantasmes ou d’une réalité, cette représentation est assez largement partagée et de fait l’ordinateur et internet ont augmenté de manière significative les communications à travers le monde. L’autre fonction très souvent évoquée est celle d’une possibilité accrue de rechercher et de trouver des informations, en bref : “ça permet plein de choses, de rechercher ce dont on a besoin, un renseignement aussi bien sur des faits réels que des faits passés”, ça sert de “banque de données (…) et ça vous donne des réponses à toutes les questions que vous pouvez vous poser”. Plus précisément ça sert “à s’informer peut-être sur le monde extérieur”, voire à trouver des “informations internationales”.

La recherche d’information apparaît alors facilitée par la machine, plus rapide d’accès, à portée de clavier : “on les trouverait ailleurs les informations mais c’est pas aussi rapide, je pense (…). Plus rapide (et) on l’a sur place”, “ça vous évite d’aller à la bibliothèque, d’aller chercher certaines choses, là vous cliquez, ça va certainement beaucoup plus vite”.

 

Nous sommes ici encore dans un discours commun, partagé par une large frange de la population, qui oscille entre une certaine fascination pour la vitesse et le mythe de l’accessibilité sans limite aux informations. Rien de vraiment significatif, à notre sens, dans les propos recueillis qui permettrait de distinguer un discours spécifique des adultes en situations d’illettrismes sur les usages des technologies de la communication et les machines qui leur servent de support.

Plus précisément encore, les discours collectés précisent la nature des usages réels ou possibles de ces outils. L’ordinateur, pour les quelques-uns qui disent l’utiliser, sert ou peut servir, quelquefois exclusivement ou presque à jouer : “j’ai un ordinateur mais j’ai pas internet, y’a que des jeux dedans (…), des jeux de carte, le monopoly…”. Mais il peut servir à faire “nos comptes (…), c’est lui qui calcule tout”, “pour gérer un peu, regarder les dépenses”, à “faire son budget, rentrer des données personnelles” et aussi à “faire des courriers”, des fois quand on veut passer des concours”. Usages classiques de la machine même si ce n’est pas la majorité des personnes rencontrées qui affirme l’utiliser à ces fins.

 

L’utilisation d’internet ou ce qui en est attendu renvoie à une gamme d’activités beaucoup plus large. Son potentiel d’ouverture semble fasciner une grande partie de l’échantillon. Chacun ou presque en a ou en aurait un usage s’il était connecté. Internet apparaît dans le discours comme une ressource illimitée et facile d’accès : “à pas mal de renseignement sans se déplacer, on peu déjà chez soi, regarder tout, tout ce qui faut”. Non seulement, internet permet de “chercher du boulot”, d’“être en contact avec sa banque”, voire carrément de rentrer dedans, mais encore de “trouver des appartements (…), des bonnes occasions”.

La fonction la plus citée et semble-t-il la plus attractive – mais nous sommes encore une fois dans le déclaratif – est celle d’achat. Achat de billets d’avions pour : “partir en voyage moins cher” ou de train ou “des places de concerts”. C’est aussi, un nouveau moyen pour “passer une commande”, faire des courses, “acheter sans se déplacer. Regarder déjà les produits, les prix, tout ça, et évaluer sans se déplacer (…) pour les gens qui n’ont pas le temps (…) qui n’aiment pas faire les magasins”.

 

Dans quelques cas plus rares, internet est utilisé pour conduire une activité de type violon d’Ingres : “j’aime bien tout ce qui est musique (…), je suis très branché sur tout ce qui est au niveau internet, tout ce qui est côté musique”, ou encore : “je suis jardinier, je fais du jardin à la maison, donc, je sais pas trop  ce qu’il faut faire, je vais sur internet, ils expliquent qu’est ce qu’il faut faire, quel jour, quel mois (…) pour faire les plantations”.

 

Usage réel, usage rêvé, discours de circonstance qu’importe, notre échantillon n’est pas absent du débat. Il ne se déclare pas en dehors de ces questions qui visiblement le concernent. Si fracture numérique, il y a, ce n’est pas faute de s’y intéresser mais plutôt faute de moyens économiques. Certes, il y a sans doute derrière ces discours beaucoup d’illusion sur les potentialités et la facilité de la navigation sur le web (personne ou presque n’utilise cette formulation) mais n’est-ce pas là un mythe partagé par une partie significative de la population ?

 

II.4 – Entourage et N.T.I.C.

 

Ce qui apparaît comme déterminant soit dans l’intérêt porté à l’ordinateur et à internet en particulier, soit même dans la décision d’achat c’est la volonté de ne pas couper son entourage de ces outils et de ces techniques car : “ça va faire un grand bond en avant pour les enfants”. Ceux qui ne sont pas équipés songent le faire à terme, “pour les enfants (…) mais il faut que les enfants soient plus grands”, “je n’en ai pas mais je vais acheter un ordinateur pour mes filles qui vont entrer en quatrième pour qu’elles puissent travailler à la maison parce qu’elles m’ont dit que c’était très intéressant (…). Alors, je dis que si ça va dans le sens pour aider les enfants vaut mieux l’avoir”. Même les plus âgés de notre échantillon, dont les enfants ne sont plus au domicile se seraient équipés “si j’avais des enfants, ce serait très intéressant (…) mais comme j’ai pas d’enfants sur place…”.

Ceux qui possèdent un ordinateur, et qui quelquefois sont connectés à internet, développent le même type d’arguments même s’ils n’utilisent pas eux-mêmes l’ordinateur : “bien, je ne m’en sers pas, c’est plus pour les enfants (…) ils s’en servent pour l’école, ça les aide”, “ma fille comme elle est au collège, elle s’en sert, maintenant ils sont obligés d’avoir quand même quelque chose avec internet, pour faire des devoirs, ils ont des documents…” ou encore: “mon fils, il est en formation, donc il cherche les rues, chaque endroit où on l’envoie”. Pour les plus petits, certains “font des jeux éducatifs, elle (une petite de trois ans) commence à dessiner avec la souris, les couleurs, elle commence à apprendre les 1, les 2, les 3, tout ça. Celle de six ans, elle commence à jouer à des jeux logiques”.

 

Quant aux activités communes occasionnées par la présence d’un ordinateur à domicile, elles ne sont ni très nombreuses, ni très souvent mentionnées. Les occurrences sont rares : “on allait sur Encarta, au début, parce que c’était nouveau”. Les jeux sont l’occupation la plus fréquemment citée : “je joue avec lui (…), on joue au solitaire, on joue à des mots (…) c’est des mots croisés (…), je cherche avec lui mais je touche pas”. On joue, “surtout quand elle y arrive pas, ça l’énerve un petit peu donc je lui explique comment qu’il faut faire”. Rareté des usages communs de l’ordinateur qui peut laisser penser que les pratiques solitaires déclarées sont plus nombreuses que les pratiques réelles, peut être…

 

Au-delà des enfants dont la présence semble décisive quant à la nécessité de ne pas se couper des technologies contemporaines, d’autres éléments dans l’entourage immédiat ou plus lointain expliquent, l’achat, l’intérêt ou la proximité d’un ordinateur et/ou d’internet. Ce sont tout d’abord, dans un premier cercle, les “amis” et les conjoints qui utilisent les technologies, ici c’est un “mari, parce qu’il fait des tests, qu’il fait du courrier”, ou qui s’en sert pour “faire de la musique, pour composer des morceaux” ou une épouse qui cherche des produits “qu’elle a entendus qu’étaient bien, qu’elle veut voir (ou) des trucs administratifs”.

Là, un “ami”[45], même si l’interviewée admet “je ne sais pas ce qu’il fait sur internet”. Dans un second cercle, les frères “parce que mon père leur a acheté un ordinateur”, la petite sœur “qui fait des études d’infirmière” ou qui fait ses études,  “elle est en BTS”, une sœur plus âgée “qui commande mon billet sur internet”. Là, un neveu “qui a un ordinateur, qu’il utilise, il fait ses leçons par correspondances” ou “qui m’apprend à m’en servir”. Plus loin, encore dans le système relationnel, ce sont qui une “copine qui utilise tout ça pour son travail”, qui un chef “qui a sorti un listing du Paris Saint-Germain et de chez qui ont peu envoyer un message à quelqu’un d’autre”. En Bref, comme l’affirme l’un des interviewés : “oui, j’en entends beaucoup parler, c’est pour cela que ça m’encourage à vouloir m’y intéresser aussi”.

 

L’accès à ces outils technologiques n’est sans doute ni général, ni familier à tous. Néanmoins, nous n’avons pas constaté d’absence d’intérêt pour eux. Ils sont dans l’environnement et notre échantillon en règle général ne demande qu’à en savoir plus, voire à commencer à les utiliser.

 

II.5 – Désir, résistances et dangers des nouvelles technologies

 

Dans la plupart des entretiens que nous avons réalisés, ni l’ordinateur, ni internet, ni le  téléphone portable ne sont considérés comme absolument positifs et essentiels ou comme négatifs et sans intérêt. Néanmoins, les attentes ou les risques qu’ils représentent sont divers et à plus d’un égard, assez proches encore une fois des discours et des représentations des plus lettrés. A vrai dire, nous n’avons pas rencontré de résistance absolue à l’usage à court ou moyen terme de ces “technologies”. Nous avons constaté quelques manifestations révélant plus du désintérêt qu’autre chose. Ainsi, X déclare : “pourquoi ? Parce que bon…premièrement, j’ai pas beaucoup de temps et je suis pas du genre à m’intéresser vraiment au niveau des ordinateurs (…), je peux m’en passer… mais bon, je pourrais quand même me renseigner sur internet”. Pour un aute, c’est une difficulté (classique) de manipulation de la souris qui l’arrête et parce que “c’est dur” à son âge. Difficulté bien réelle qui se manifeste par une forme d’indifférence : “je suis même pas attiré” mais qui n’enferme pas dans un refus définitif : Non, peut-être un jour, je vais m’y mettre”. Un autre encore exprime une forme de résignation liée à un projet personnel : “bien, l’ordinateur, je veux m’y mettre cette année parce que je veux passer un concours (…), Faut que je m’y mette”.

En bref, rien de bien significatif qui permettrait de repérer un discours propre aux adultes en situations d’illettrisme sur l’ordinateur et ses applications.

 

Une autre partie de notre échantillon fait état d’une relative anxiété mais qui apparaît déjà ancienne ou en voie de dépassement, et, qui là encore ne se traduit pas par un refus de l’outil, même si les représentations sont fortes. “Je vous dis, maintenant l’ordinateur, c’est rentré dans les mœurs, ça apprend aux gens à s’en servir soi-même plus ou moins. Avant l’ordinateur, c’était complexe, on avait un mystère là-dessus, même les informaticiens, c’était très compliqué, puis en fin de compte il suffit, c’est vrai au début ça vous fait peur, puis une fois que… c’est pas si compliqué que ça… il est ordonné, il fait ce que vous lui demandez de faire”. Ou : “moi, je n’ai pas le CAP, j’ai le CEP mais je connais déjà des petits trucs dessus (l’ordinateur) comme je n’ai pas trop accès, ça me fait un petit peu peur mais si j’ai une formation, je vais m’en sortir”.

 

Un peu plus nombreux sont ceux qui montrent un désir réel d’accès à ces machines simplement pour être de son temps :“non dans ma vie quotidienne, je ne m’en sers pas, mais j’aimerais bien quand même m’en servir, parce que bon, maintenant, c’est un peu à la mode et puis, bon, il faut évoluer aussi avec le temps” ou bien encore :“toujours intéressé, et même, je vois des fois quand je vais me promener, je suis toujours tenté d’aller à Darty, à aller à Conforma, regarder ce qu’il y a de nouveau, même si j’achète pas. Regarder qu’est ce qui arrive comme produit nouveau, même à Surcouf, aller regarder, même si je vais pas acheter un ordinateur, regarder les techniques nouvelles et être informé un peu de ce qui se passe”.

 

Si certains manifestent un engouement fort, voire de l’enthousiasme, d’autres considèrent que l’ordinateur et ses extensions, au-delà des effets relationnels que nous abordons dans une autre partie de cette recherche, recèlent de réels dangers. Non pas pour eux, mais pour leurs enfants qu’ils ne désirent pas isoler de cet outillage nous l’avons vu, mais dont ils souhaitent les protéger de certains “abus”. “C’est pas bien déjà pour les gosses, parce qu’ils sont fourrés presque toute la journée là-dessus, Playstation, ordinateur (…). Après, ils sont plus dans l’école (…), ils sont plus dans leurs devoirs, ils sont plus attentifs”. Abus mettant en péril une bonne scolarité et marquant peut-être une tentative d’éviter un processus de reproduction déjà vécu ou afin de ne pas exposer les enfants à des dangers plus importants encore  : “je trouve qu’internet, c’est vraiment pour les grandes personnes, ceux qui savent l’utiliser. En plus laisser les enfants toucher à internet c’est dangereux, et d’après ce que j’ai entendu à la radio, ils peuvent aller sur des sites (où ils) devraient pas, il y a des choses qui sont pas intéressante”.

 

Conclusion

 

Pour conclure, nous aimerions souligner à nouveau combien le discours des adultes en situations d’illettrisme sur l’ordinateur, internet et le téléphone portable… appartient au discours commun sur ces outils. Qu’il s’agisse des propos renvoyant à leurs représentations générales ou à leurs usages potentiels ou réels ou à ceux concernant les dangers ou les désirs en lien avec l’utilisation de l’ordinateur. Quant à la place de ces technologies dans leur environnement plus ou moins proche, nous avons pu constater qu’elles étaient bien présentes et que cet environnement était déterminant dans les décisions d’équipement et d’utilisation. Ce premier ensemble d’éléments “objectifs” et déclaratifs nous incite fortement à repenser et à ré-interroger le discours autorisé sur la supposée fracture technologique. Néanmoins, si les propos que nous avons recueillis annoncent sinon la fin, du moins la raréfaction, des technopathes, et un usage domestique limité des ordinateurs, il faut se garder d’un optimisme trop grand car une fois les premières icônes passées, la lecture, l’écriture, la logique, etc., reprennent tous leurs droits et leurs usages redeviennent incontournables.

 

Hugues LENOIR

CEP-CRIEP

Paris X

 


[1] Paroles d’adultes en situations d’illettrisme (extrait d’un entretien).

[2] Lenoir H. (2002), Adultes en situations d’illettrisme et rapports aux nouvelles technologies, CRIEP, Paris X.

[3] Dubet F. (1994), Sociologie de l’expérience, Paris, Seuil, p. 93. En italique dans le texte.

[4]  Ibid., p. 105.

[5] En particulier, Lenoir H. et Crespin C, Illettrisme, représentations et formation dans la Fonction publique territoriale, programme de recherche du G.P.L.I., 1998, 165 p. et Lamaury M., Lenoir H., Mesure d’effets du dispositif de formation de lutte contre l’illettrisme DECLIC, CNFPT, 1998, 87 p.

[6] Abric J.-C. (1994), Pratiques sociales et représentations, Paris, Puf, p. 13.

[7] Se reporter à : De l’illettrisme, état des lieux de la recherche universitaire concernant l’accès et le rapport à l’écrit, Ministère du travail, 1995, p. 55.

[8] Pour plus de précisions se reporter à Lenoir H., Adultes en situations d’illettrisme et rapports aux nouvelles technologies, op. cit.

[9] Il s’agit ici des niveaux revendiqués, nous n’avions aucun moyen de vérifier la réalité des diplômes obtenus. Ce qui de toute façon n’aurait rien changé aux propos tenus et analysés ultérieurement. Seul la nature de l’échantillon en aurait été modifiée.

[10] Pour aller plus loin se reporter à Lenoir H., N.T.I.C.,éducation et formation : approche socio-politique, à paraître in Acte du colloque C.E.P./C.R.I.E.P., Paris X, septembre 2001, Ed. ESF, 2002.

[11] France Inter, Rue des entrepreneurs, 28 août 1999, propos de Lionel Jospin à l’université de la communication à Hourtin.

[12] Sciences humaines, n° 122, décembre 2001, Des inégalités pas virtuelles à propos de l’enquête CREDOC in Consommation et mode de vie, n° 150, mai 2001.

[13] Les nouvelles technologies et l’exclusion, La lettre Algora, janvier 2002, supplément à Inffo flash n° 382, janvier 2002.

[14] France Inter (23-1-2002) à propos d’une étude parue dans Sciences et Vie Micro (SMV), février 2002, pp. 70-75, sondage SMV/GFK  réalisé à la mi-décembre 2001 auprès de 1005 foyers représentatifs.

[15] Entreprises et Carrières, 15 au 21 juin 1999.

[16] Sciences humaines, n° 122, décembre 2001.

[17] Sciences humaines, n° 103, mars 2000, rubrique Echos des recherches (sources Ministère de la Culture et de la Communication, sondage du Département des études et de la prospective auprès de 450 foyers)

[18] France Inter,  déclaration au journal de 19 h du 1 mars 2000. Ecart confirmé, même s’il se réduit par l’enquête SVM. : 34,1 % de connectés en région parisienne contre 14,9 % dans l’ouest, 16,1 % dans le sud-est, 27,6 % dans l’est, etc.

[19] Breton Philippe (2000), Le culte d’internet, une menace pour le lien social ? Paris, La Découverte, p. 122. Selon l’enquête SVM, les membres de leur échantillon équipés utiliseraient internet, 65 % pour le courrier électronique, 39 % pour jouer, 29 % pour gérer le ménage, 28 % pour les études, 23 % pour consulter des CD éducatifs, etc.

[20] Ibid., pp. 122-123.

[21] Rivière P., Les sirènes du multimédia à l’école, Le Monde diplomatique, avril 1998, p. 21.

[22]  Cf. : infra.

[23] Les nouvelles technologies et l’exclusion, Ville Ecole Intégration (migrants-formation), n° 119, déc. 1999.

Art. de Piette J., Pons C.-M., Les jeunes québécois et Internet : quelques remarques sur l’effet d’exclusion, p. 90.

[24] Lenoir H.(1999), L’illettrisme : un objet social et de recherche en construction, HDR, Paris.

[25] Autoroutes de l’information et multimédia : enjeux sur le travail, les métiers et la formation, Flash Formation Continue, Cuidep, n° 421, 15 mars 1996, p. 7.

[26] L’effet des technologies de l’information et de la communication sur les emplois et les qualifications, Inffo Flash, n° 560, février 2001, p. 14.

[27] OCDE (1999), Surmonter l’exclusion grâce à l’apprentissage des adultes, Paris, OCDE, p. 11 et pp. 26-27.

[28] Ibid., p. 25.

[29] Ibid., p. 42.

[30] Ginsbourger F. (1998), La gestion contre l’entreprise, Paris, La Découverte, pp. 104-105.

[31] Ibid., pp. 42-43, Ginsbourger rapporte ici des propos, tenus en 1991, par le Président du groupe Péchiney.

[32] Rivière P., article cité plus haut.

[33] Fourier M., Les nouvelles technologies à l’école, Sciences humaines, n° 106, juin 2000, p. 9.

[34] Chartier A.-M., Hébrard J. (2000), Discours sur la lecture (1880-2000), Paris, Bibliothèque du Centre Pompidou-Fayard, p. 727.

[35] Monique Linard, Nouvelles technologies et formation, Sciences humaines, hors série n° 12, février-mars 1996, p. 71.

[36] Ibid., p. 72.

[37] Ajouter par nous.

[38] Perriault J. (1996), La communication du savoir à distance, Paris, L’Harmattan, p.158.

[39] McKenzie P., Wurzburg G., Apprentissage à vie et “employabilité”, L’observateur de l’OCDE, n° 209, déc. 1997 – janv. 1998, p. 16.

[40]  Cité par Breton P. (2000), in Le culte d’internet, une menace pour le lien social ? Paris, La Découverte, p. 119.

[41] Nous avons pour cet article supprimé toutes les références des entretiens. Les citations ont été transcrits dans une langue “rétablie”.

[42] Nous avons choisi, malgré un correcteur orthographique insistant, d’utiliser le terme internet sans majuscule. Sauf à considérer qu’internet soit un nom propre, mais à quel titre ? En effet, d’autres outils tels que moulinette à légumes, râpe à carottes, automobile ou téléphone s’écrivent-ils avec une majuscule ?

[43] J’emprunte ce terme à Yves Lasfargue (1993) in Robotisés, rebelles, rejetés, maîtriser les nouvelles technologies, Paris, Editions de l’Atelier.

[44] (D.) qui pense par ailleurs acheter un “vrai’ ordinateur d’ici à quelque temps, cf. supra.

[45] Entendre “concubin”.

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